La prise en charge des cancers cutanés de la face:
Les impératifs carcinologiques sont souvent opposés à ceux de la reconstruction et donc au résultat esthétique.
En carcinologie, l'obtention de berges saines est le principal critère de guérison.
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Le risque majeur est d'étendre l'exérèse au détriment parfois du tissu sain.
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À l'inverse, en reconstruction, la préservation d'un maximum de tissus sains permet un large choix de reconstruction.
Les nouvelles techniques de réduction des marges apportent une solution aux contraintes esthétiques et carcinologiques dans certains cas particuliers.
L'objectif de la chirurgie réparatrice et le rétablissement d'une apparence normale, et doit toujours et avant tout s'adapter aux exigences de l'exérèse carcinologique.
Les principes généraux
La prise en charge des tumeurs cutanées de la face est avant tout chirurgicale.
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La première question à se poser : Est-ce chirurgicalement possible ? Les traitements médicaux (chimiothérapie et la radiothérapie) sont des recours en cas d'inopérabilité du patient, et ils n'apportent pas la preuve histologique nécessaire pour réduire au maximum le risque de récidive.
la chirurgie doit s'assurer de l'exérèse complète et suffisante de la lésion.
L'exérèse ne doit en aucune façon tenir compte du mode de reconstruction.
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Son caractère complet et suffisant est vérifié par l'examen histologique extemporané fiable et ou définitif, ce qui conditionne les possibilités de reconstruction, notamment l'utilisation immédiate ou retardée de lambeaux locorégionaux.
En l'absence d'examen histologique extemporané, la fermeture cutanée doit se limiter à une suture directe, une cicatrisation dirigée ou au maximum à une greffe de peau. La pièce opératoire est orientée afin de permettre des reprises chirurgicales dirigées en cas d'exérèse incomplète à l'histologie définitive.
les carcinomes basocellulaires (CBC)
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Ce sont les carcinomes les plus fréquents :
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Ils sont favorisés par :
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l'exposition cumulative aux UV ou au radiations ionisantes,
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des facteurs génétiques phototype clair, synd de Gorlin,et des facteurs chimiques: hydrocarbures polycycliques.
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Leur extension est continue, locale et lente, très rarement métastatique.
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Il existe 3 sous types clinique : nodulaire, superficiel, sclérodermiforme
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et des sous types histologiques: Nodulaire (80%) Superficiel (15%)Sclérodermiforme Infiltrant (trabéculaire, micronodulaire), Métatypique/Basospinocellul, Mixte ou composite
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La prise en charge des CBC est chirurgical en première intention et dépend de facteurs pronostiques et de
l'extension locale.Les CBC superficiels peuvent relever d'un traitement médical exclusif.
Il est recommandé de réaliser une biopsie systématique avant traitement ; une exérèse d'emblée peut être réalisée en cas de diagnostic très probable, pour des tumeurs de bon pronostic avec reconstruction simple.
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Les facteurs pronostics des CBC sont :
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La localisation : zones à risque de récidive
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faible : tronc, membre
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intermédiaire : front, joue, menton, cuir chevelu et cou
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élévé : nez, zones périorificielles de l'extrémité céphalique
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taille :> 1 ou 2 cm en fonction de la localisation ;
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aspect clinique mal limité ou sclérodermiforme ;
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caractère récidivant ;
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histologique : sous types histologiques agressifs :
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(sclérodermiforme infiltrant),
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forme métatypiques de mauvais pronostic
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Le caractère pimenté ou ulcéré n'a pas de valeur pronostique.
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Ces facteurs permettent de définir 3 groupes pronostiques, dictant les marges d'exérèse recommandées pour un taux d'exérèse incomplète inférieur à 5 %:
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CBC de bon pronostic : marges latérales 3 à 4 mm
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CBC superficiel primaire,
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CBC nodulaire bien limité
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< 1cm sur zone a risque intermédiaire
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ou < 2 cm sur zone à bas risque
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CBC de pronostic intermédiaire.marges latérales >=à 4 mm
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CBC superficiel récidivé
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CBC nodulaire
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< 1 cm sur zone à haut risque
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> 1 cm sur zone à risque intermédiaire
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> 2 cm sur zone à bas risque
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CBC de mauvais pronostic,marges latérales 5 -10 mm
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clinique : CBC sclérodermiforme ou mal limité.
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histologique : sclérodermiforme infiltrant, métatypique
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récidivants
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CBC nodulaires en zone a haut risque >1 cm
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En cas d'exérèse incomplète, une reprise est recommandée du fait d'un risque de récidive important.
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surveillance minimum annuelle en raison du risque de nouveaux CBC et consignes de photoprotection.
Les carcinomes épidermoïdes
anciennement spinocellulaire,
second cancer cutané le plus fréquent
Principal facteur étiologique du CEC et de ses précurseurs (maladie de Bowen, kératose actinique ): l'exposition cumulative aux UV; les autres facteurs favorisants sont le phototype clair, l'immunodépression, l'inflammation chronique.
La prise en charge des kératoses actiniques précurseurs des CEC, fait appel à des traitements médicaux : cryothérapie à l'azote liquide, 5 fluroro uracile, imiquimod, photothérapie dynamique, diclofenac,. En cas d'échec une exérèse chirurgicale est recommandée. Le traitement des CEC invasifs est chirurgical en première intention.
Leur mode d'extension tumorale discontinue ( engainement péri nerveux, embols vasculaire) ne permet pas de se fier à une analyse anatomopathologique extemporanée ;
Ils peuvent évoluer localement ou se compliquer de métastases ganglionnaires ou viscérales.
L'évaluation clinique doit systématiquement comporter un examen de la lésion (avec mesure des dimensions permettant d'évaluer l'évolutivité et de s'accorder sur les limites de la tumeur )et des aires ganglionnaires de drainage, complété par une échographie locorégionale de la zone de drainage en cas de facteurs pronostics péjoratifs.
La classification pronostique des CEC repose sur six critères cliniques et cinq critères histologiques :
CRITÈRES PRONOSTIQUES CLINIQUES
EN (F) DE LA LOCALISATION
Zones à Haut Risque (HR):
zones péri-orificielles (nez, lèvre, oreille externe, paupière) & cuir chevelu
zones non-photoexposées (périnée, plante des pieds, ongle) ;
sur radiodermite, cicatrice de brûlure, inflammation, ulcères chroniques
Zones à Faible Risque (FR): autres localisations de la tête/cou/tronc/membres

CLASSIFICATION PRONOSTIQUE HISTOLOGIQUE
Deux groupes de CEC sont ainsi définis :
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groupe I, regroupant les CEC à faible risque de récidive et/ou de métastases n'ayant aucuns facteurs pronostics péjoratifs
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groupe II incluant les CEC avec ≥ 1 critère clinique ou histologique de risque significatif de récidive ou de métastases.
Les marges d'exérèse est dictée par cette classification pronostique :
latérales
de 4 à 6 mm pour les CEC de groupe I avec examen histologique standard
de 6 à 10 mm ou plus pour les CEC du groupe II si besoin en deux temps ou avec examen extemporané,
profondes : hypoderme, en épargnant le périoste, le périchondre, l’aponévrose (si respectés)
En cas d'exérèse incomplète,
une reprise chirurgicale doit être proposé.
Si la chirurgie n'est pas réalisable une radiothérapie doit être proposée.
Curage ganglionnaire indiqué en cas d'envahissement.
Les CEC du groupe II doivent être présenté en RCP avec discussion des indications de radiothérapie adjuvante en cas d'engagement péri nerveux ou d'atteintes ganglionnaires confirmées ou après exérèse incomplète sans possibilité de reprise chirurgicale
surveillance clinique indispensable après exérèse d'un CEC
annuelle pour les tumeurs du groupe I,
trimestriel à semestriels pour les CEC du groupe II.
Les consignes de photoprotection sont indispensables
Les mélanomes
Dépistés par le dermatologue, l'exérèse est réalisée sans marge à visée diagnostique quand la taille ne permet.
L'histologie définitive rend un indice de Breslow correspondant l'épaisseur d'envahissement dermique.
Les marges latérales d'exérèse sont alors étroitement liées à cet indice.
Récemment les recommandations limitent la reprise chirurgicale à 2 cm de part et d'autre de la cicatrice pour tous les indices de Breslow > de 2 mm.
Il n'est plus nécessaire de prendre au-delà.
Aucune marge > 3cm ne doit être réalisée
• M.in situ (Ptis): 0,5cm
• 0-1mm (Pt1): 1 cm
• ≥1-2mm (Pt2): 1 à 2cm
• ≥2-4mm (Pt3): 2cm
Le mélanome est une lésion également discontinue (mélanome dit en transit) que ne permet pas l'analyse extemporanée d'autant également qu'une immunohistochimie est indispensable pour confirmer sa présence dans la reprise de cicatrice
Cette analyse impose un délai et n'est jamais rendue immédiatement.
La reprise se fait toujours jusqu'au fascia sous-jacent en le respectant.
Le décollement des berges est déconseillé au risque de disséminer la maladie en profondeur et à distance.
La fermeture est souvent limitée à une greffe de peau prise systématiquement en controlatéral de la lésion initiale par souci de sécurité carcinologique et par contrainte des modalités de surveillance.
Les tumeurs rares
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le dermatofibrosarcome de Darier-Ferrand
caractéristiques : extension tumorale continue à l'instar du carcinome basocellulaire, absence d'engainement péri nerveux, absence d’embols vasculaire et lymphatique et une agressivité purement locale.
Tous ces points font de cette tumeur rare une candidate technique de réduction des marges d'exérèse.
Protocole chirurgical de réduction des marges
– marges initiales de 1,5 cm
- exérèse au carré, orientée numérotée emportant une première barrière anatomique profonde saine.
– L'étude anatomopathologiquebréalisée surpièce fixée avec une étude exhaustive des marges séquentielles de la profondeur de type vertical modifié ;
- une coloration standard et un marquage CD 34 sont effectués en 48 heures ;
– la plaie est laissée ouverte pendant ce temps ;
–la reprise des marges orientées et non totales ou la fermeture a lieu 48 heures plus tard après les résultats définitifs histologiques
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les tumeurs de Merkel
caractéristiques : limites irrégulières, infiltrant avec des embols vasculaires et des métastases en transit.
L'attitude la plus sûre est la réalisation de marges systématiques de 2 à 3 cm sans réduction, tout en s'adaptant à la localisation..
La tumeur étend extrêmement lymphophile, il est recommandé d'effectuer un curage et une parotidectomie superficielle en cas d'adénopathie pour les tumeurs de la face.
Compte tenu du taux de récidive locale élevée, la radiothérapie postopératoire est préconisée
conclusion
La chirurgie des tumeurs de la face évoluent. La réduction des marges permet de réduire le sacrifice cutané avec une sécurité carcinologique conservée. Les séquelles sont limitées. Cette technique impose une étroite collaboration entre les chirurgiens et les anatomo-pathologistes.